Skip to main content

Le modèle économique de l’agence bancaire de demain

Par 26 juin 20136 commentaires10 minutes de lecture
||

Les questions autour de l’avenir de l’agence bancaire ne manquent pas. Son utilisation et son rôle évoluent et les nécessaires transformations se préparent déjà.

Des agences bancaires moins fréquentées

Le réseau bancaire en France se caractérise par un maillage territorial très développé par rapport à la moyenne de l’Union européenne, avec 38.000 agences, La Banque Postale comprise. Mais force est de constater que ce maillage est aujourd’hui obsolète.

Partons déjà d’un constat : une moindre fréquentation des agences en France. Selon la FBF, dans son dernier « Observatoire 2013 de l’opinion sur l’image des banques » de mai 2013, 17 % Français se sont rendus plus d’une fois par mois en agence en 2012 contre 62 % en 2007. Cette baisse de fréquentation des agences est le résultat des nouveaux usages des consommateurs et le rôle d’Internet et du mobile. Toujours selon le même sondage : 47 % des Français déclarent que le développement de l’offre de services bancaires via Internet les conduit personnellement à se rendre moins fréquemment en agence. En effet, 68 % consultent leur compte bancaire via Internet. Opérations bancaires courantes sur Internet ou mobile (virements : 50 % via Internet selon la FBF), gestion de l’assurance-vie, informations sur les produits et services, souscription de crédit ou Bourse en ligne : le client est de plus en plus autonome.

Il faut dire que cette autonomie, les banques y ont largement contribué avec l’avènement du multicanal. Les établissements financiers ont développé leur offre de banque à distance : Internet, mobile, centre de relation clientèle et même dans les agences avec le développement des automates : 58.170 au 31 décembre 2011, selon la Banque de France. Depuis 1994, le parc de DAB-GAB a progressé de 194 %, à 20.533 unités.

Réorganisation des agences bancaires

Par ailleurs, selon une étude du cabinet Score Advisor, 15 % des agences en France ne seraient pas rentables. Enfin, dans un rapport publié à Revue Banque, Georges Pauget, ancien président du Crédit Agricole, et l’économiste Jean-Baptiste Bellon, prédisent la disparition de 10 % des agences en France.

Le sujet des fermetures d’agences n’est certes plus tabou : la Société Générale l’a annoncé et Boursorama Banque a fermé son réseau, racheté il y a quelques années à la Caixa. Mais fermer des agences purement et simplement ne permet pas de répondre au rôle futur des agences. On peut cependant déjà distinguer de nouveaux usages, via de multiples expérimentations et actions déjà engagées par les banques françaises. Les exemples étrangers ne manquent pas non plus. La relation client et l’expérience client se réorganisent. En effet, l’agence reste indispensable. Dans la distribution, la proximité est essentielle et la nécessité d’accompagner et conseiller le client pour certaines opérations financières, comme le crédit immobilier, est aussi indispensable.

Nouveaux concepts d’agences bancaires

Les banques françaises ont entamé des programmes de rénovation d’agences, comme BNP Paribas et son programme Alice (Agence laboratoire pour l’innovation, le commerce et l’excellence) ou la Société Générale. L’agence doit être redimensionnée tant dans son format que dans sa segmentation.

Aux Etats-Unis, Wells Fargo a lancé son nouveau concept d’agences, baptisé « the neighborhood bank format », ou « agence de proximité ». La taille est réduite d’un tiers par rapport aux agences traditionnelles de Wells Fargo avec une superficie de près de 90 m² (contre 300 à 400 m²) : l’investissement est donc aussi réduit ainsi que le coût d’exploitation. De son côté Bank of Montréal teste des agences « Studio », au format également plus réduit. En France, ce concept de petite agence est actuellement mis en place. Le Crédit Agricole Touraine Poitou a inauguré en mars dernier une agence de 56 m² à Tours.

Agencement d’agences

A contrario, des établissements financiers ont investi dans des formats beaucoup plus grands et on développé des « Concept Store ». En Allemagne, en 2008, la Deutsche Bank a inauguré son agence Q110. En France, BNP Paribas propose le 2 Opéra. Cet espace est une vitrine pour la marque. Il permet d’expérimenter de nouveaux usages comme le NFC. Le Crédit Foncier a pour sa part créé Foncier Home. Cette agence, qui a nécessité 10 millions d’euros d’investissement, n’est pas seulement un espace dédié au financement immobilier. Le lieu se répartit en différentes espaces, avec un Columbus Café, un endroit pour les enfants, un coin lounge, un univers dédié à l’habitat durable ou encore une salle de conférence. Cependant, faute de fréquentation suffisante, le Crédit Foncier a décidé de fermer le Foncier Home. L’initiative du Crédit Agricole Sud Rhône-Alpes mérite par ailleurs d’être soulignée avec son « Store by CA » à Grenoble qualifié de « premier magasin bancaire » : 1.200 m², dédié au « shopping bancaire » organisé autour de six rayons et même un service après-vente.

CA-store-Grenoble

Source image : http://leblog.wcie.fr/

Segmentation par type de clientèle

Ensuite, les agences spécialisées par segment de clientèle se multiplient aussi. BNP Paribas (avec ses Maisons des Entrepreneurs) ou le Crédit Agricole s’adressent directement aux professionnels, qu’ils soient artisans, commerçants ou bien encore professions libérales. Les banques visent aussi directement des secteurs d’activités particuliers, avec, par exemple, des agences dédiées aux viticulteurs. C’est le cas du Crédit Agricole Champagne Bourgogne à Chablis ou Beaune notamment. Pour sa part, BNP Paribas a ouvert une Maison de la Viticulture à Châteauneuf du Pape dans le Vaucluse. La banque propose en un même lieu l’ensemble des forces commerciales expertes de la filière viticole et exclusivement dédiées à tous les acteurs de la région (vignerons, négociants, courtiers, tonneliers).

La segmentation se poursuit avec des agences dédiées à la clientèle jeune. Ainsi, en août 2012, le Crédit Agricole Sud Méditerranée, a ouvert une agence à Perpignan, près de l’université. LCL dispose d’agences destinées aux étudiants et propose des prestations dédiées comme un service de reprographie, gratuit. La Bred dispose également d’une agence Bred GranD’Zé, à Paris. Enfin, la Banque Populaire Atlantique a récemment lancé « Atlantique Coopération » afin d’accompagner la clientèle fragile.
Dans cette optique de spécialisation, on peut très bien imaginer à l’avenir des agences dédiées aux seniors.

Les agences bancaires par projets

Autre exemple intéressant et lancé tout d’abord par le Crédit Agricole Val-de-France : l’agence par projets. L’Espace projets du Crédit Agricole Val-de-France, situé à Chartres, n’a pas pour but de se substituer aux agences traditionnelles. Les opérations courantes ne sont pas traitées dans cet espace, uniquement prévu pour les projets de la vie des particuliers (naissance, études, prêts à la consommation, prêt immobilier). L’espace est ouvert aux clients et prospects. Pour les clients, il est possible de communiquer avec le conseiller de son agence via visioconférence. Le Crédit Agricole de Champagne Bourgogne a ouvert en novembre 2011 à Dijon « L’Autre Agence ». L’agence se distingue aussi par son organisation en mode projets. Les conseillers traitent des dossiers baptisés « Je change ma voiture », « J’ai un projet immobilier », « J’ai une rentrée d’argent », « Suis-je bien assuré » et pour les professionnels « Je crée mon entreprise ».

Animation d’agence et services extra-bancaires

D’autres banques ont par ailleurs décidé d’apporter de nouveaux services dans leurs agences et pour y générer du trafic n’hésitent pas à les animer. Outre-Atlantique, Umpqua Bank ne cache pas qu’elle s’est inspirée d’autres secteurs d’activités, comme l’hôtellerie. Pour Umpqua Bank, se rendre en agence doit devenir une expérience plaisante. La banque organise ainsi des animations assez surprenantes : yoga, troupes de théâtre et spectacles gratuits pour les enfants, camion de crème glacée à l’intérieur ou encore organisation de l’Oktoberfest de Munich !

La banque du futur !

Enfin, les banques multiplient ce que l’on pourrait qualifier d’agences du futur, dotées des dernières technologies Allied Irish Banks (AIB) a inauguré une nouvelle agence « high tech » à Dundrum : « The Lab », qui provient de l’acronyme « Learn about banking ». L’agence propose aux clients plusieurs zones permettant d’expérimenter des services numériques en libre-service ou avec l’aide des conseillers. AIB a ainsi réuni tout son savoir-faire technologique dans un espace physique pour encourager l’utilisation des canaux en ligne et mobiles.

En France, le bureau de poste de Paris Cherche Midi de La Banque Postale est présenté comme un « véritable laboratoire d’innovations au service des clients » avec vitrine interactive, distributeurs de billets haute définition, coffrets en libre-service (« Les immédiats de La Banque Postale »), mur tactile d’images invitant « à toucher du doigt les solutions » de La Banque Postale tant pour les particuliers, que les entreprises ou les associations », bornes interactives pour accéder aux comptes et réaliser des transactions, etc.

innovation banque postale

On ne peut citer tous les projets d’agences présentant de nouvelles technologies, tellement ils sont nombreux : de Bradesco au Brésil avec « Bradesco next » présentant des solutions biométriques, Novo de Bank Audi au Liban, un concept d’agence sans conseiller ou encore « Branch of tomorrow, Today » d’Absa Bank en Afrique du Sud.

On le voit, le secteur de la banque de détail bouge, investit et se prépare pour demain. Il n’y a pas de modèle prédéfini mais chaque banque doit mener sa propre stratégie que le client doit suivre et comprendre. L’établissement financier gagnant sera celui qui apportera le plus de nouveaux produits et services à ses clients. Le Crédit Mutuel, n’a pas hésité à vendre du mobile ou de la télésurveillance en direct. Pour le client, il s’agit surtout de trouver un conseiller sur tous les points de contact : mobile, PC ou agence.

L’agence reste indispensable car les Français n’ont pas d’appétence pour une banque 100 % numérique. En effet, selon l’Observatoire Orange-Terrafemina (« Banques nouvelle génération : les Français sont-ils prêts pour le tout digital ? »), 48 % des personnes interrogées ne sont pas intéressées par une gestion 100 % à distance de leurs comptes. Pour 53 % des internautes, la possibilité de joindre un conseiller en ligne et en dehors des horaires d’agences est une bonne chose. 30 % estiment cependant que « c’est plutôt une mauvaise idée car rien ne remplace le contact humain direct avec son conseiller ».

Alors multicanale ou pas : la relation bancaire subsistera toujours grâce au conseiller, qui restera au cœur de la relation client.

Frédéric Bois

Chef de projet chez Sémaphore Conseil #innovation #veille

6 commentaires

Commenter