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La banque de l’assureur vert, Groupama Banque, devient Orange Bank

Par 1 mai 2016Aucun commentaire7 minutes de lecture
|groupama et orange||

Orange, au terme de ces négociations, a donc acquis 65% du capital de Groupama Banque tandis que Groupama conserve 35%. Le montant de la transaction n’a pas été dévoilé. Le rachat doit encore être soumis à l’approbation de l’autorité de la concurrence et pourrait être finalisé au troisième trimestre 2016. Dans le communiqué de presse commun publié par les deux acteurs, Orange et Groupama rappellent qu’ils lanceront « début 2017 » une « offre bancaire spécifiquement adaptée aux usages du mobile ». La dénomination sociale de la future « devrait être Orange Bank« . Cette future banque, qui sera donc mobile first, proposera « l’essentiel des services bancaires via une expérience client mobile et digitale unique » : compte courant, épargne, crédit, assurance et paiement. A terme, les deux acteurs ambitionnent de capter 2 millions de clients d’ici dix ans. L’offre sera par ailleurs déployée en Espagne et en Belgique par la suite.

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Voilà pour l’essentiel révélé par les deux partenaires. Désormais, il s’agit de savoir comment. Qu’un opérateur télécom s’immisce dans les services financiers n’a rien de surprenant par les temps qui courent. Si les banques traditionnelles peuvent se méfier des GAAFA (Google, Alibaba, Amazon, Facebook, Apple), les opérateurs télécoms sont entrés sur le marché des services financiers et le paiement depuis quelques années, avec le mobile comme point d’entrée. Par exemple, l’opérateur télécom norvégien Telenor est très présent sur le marché de la micro-assurance en Asie. Par ailleurs, il revendique 150.000 clients pour sa filiale Telenor Banka en Serbie. Aux Etats-Unis, l’opérateur T-Mobile s’est allié à Bancorp pour commercialiser l’offre Mobile Money. Et que dire de Vodafone, ce dernier venant d’annoncer compter 25,3 millions d’utilisateurs (+27,1% de mars 2015 à mars 2016) pour son service M-Pesa présent désormais dans 25 pays. On pourrait multiplier les exemples, tant ils sont nombreux.

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Pour en revenir à Orange, l’opérateur historique français a depuis longtemps investi le terrain des services financiers, lui aussi. En 2008, il a lancé, en partenariat avec BNP Paribas, Orange Money, service de dépôt, de retrait, de transfert d’argent, d’achat de crédit téléphonique et de paiement de facture, qui totalise 17,8 millions de clients (+34% de croissance entre mars 2015 et mars 2016).

En Pologne, il s’est allié à mBank pour commercialiser Orange Finanse, une offre bancaire mobile, qui comprend compte courant, offre de crédit (personnel et renouvelable, dont, pour ce dernier, le score est basé sur l’historique des paiements de factures mobiles pour les clients existants). Orange Finanse revendique désormais 100.000 clients.

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Sur le marché français, Orange est présent dans le domaine des moyens de paiement, avec Orange Cash, solution mobile de paiement sans contact, officiellement lancée en octobre 2015.

Plusieurs questions se posent concernant l’arrivée de l’opérateur télécom dans la banque de détail, en France, puis en Belgique et en Espagne. Le communiqué commun évoque une « offre spécifiquement sur mobile et sera commercialisée sous la marque Orange dans ce réseau et sous la marque Groupama dans les réseaux Groupama« . Malgré la dénomination sociale de la future entité, Orange Bank, les clients existants de Groupama Banque ou d’Orange ne devraient pas être perdus en retrouvant leur marque en agence : verte ou orange. On peut cependant s’interroger suite aux propos de Thierry Martel, directeur générale de Groupama, annonçant « une offre bancaire disruptive« , qui, pourtant, s’appuiera, non seulement sur le mobile, mais aussi sur le réseau de 850 boutiques Orange et les 3.000 agences de Groupama et Gan. Les deux acteurs, à eux deux, ont autant d’agences que BNP Paribas et LCL réunis ! Deux marques, deux réseaux ? Vraiment disruptif ?

Orange aurait peut-être pu lancer une offre 100% mobile et numérique, en tirant les expériences de son offre de téléphonie mobile 100% en ligne, Sosh. Rappelons que Boursorama Banque avait tenté une approche en magasin physique avec Phone House en 2012, mais qui n’a pas été reconduite. L’opération n’a pas connu le succès et Phone House a dû fermer suite à l’arrivée de Free sur le marché de la téléphonie mobile.

L’intérêt pour Groupama est sans aucun doute de rajeunir la clientèle de sa banque en ligne, qui n’a pas connu de forte dynamique. La banque de l’assureur comptait 530.000 clients fin 2015. Selon les données de Sémaphore Conseil, Groupama Banque comptait 557.000 clients tous segments confondus (543.000 clients particuliers) fin 2012. On peut, enfin, s’interroger sur l’avenir de l’offre existante de Groupama Banque, très complète, et qui comporte aussi de la banque privée. Que vont devenir ces produits et services dans une « une offre bancaire disruptive » ? 

Aussi, les consommateurs français sont-ils prêts à confier à un opérateur télécom leur argent, à emprunter ou à se faire assurer ? Peut-être, mais si peu, si l’on en croit une étude Deloitte publiée en septembre dernier, « Relations banques et clients », montrant que 14% des sondés seraient prêts à ouvrir un compte bancaire chez un opérateur télécom. 

Il ne sera sans doute pas facile d’atteindre les 2 millions de clients. Orange arrive en effet dans un marché très concurrentiel avec des acteurs bien implantés, comme Boursorama Banque, Hello Bank, Fortuneo, ING Direct, Monabanq., sans compter les offres de nouveaux arrivants tels que Number26, le Compte Nickel, voire des offres mobile first de banques traditionnelles, comme Freasy du Crédit Agricole (voir la présentation de Freasy sur CultureBanque) ou Soon by Axa Banque, davantage dédiées aux jeunes.

Orange pourra compter sur son réservoir de clientèle en France (24,6 millions de clients forfaits mobiles, sur un total de 191 millions de clients abonnés aux services mobiles Orange dans le monde au 31 mars 2016) pour développer Orange Bank en compagnie de Groupama. Il devrait aussi compter sur l’analyse massive des data pour proposer des offres adaptées à sa clientèle. Outre le big data, espérons qu’Orange et Groupama sauront proposer des fonctionnalités mobiles vraiment inédites : souscription 100% en ligne des produits et services, ergonomie simplifiée, outil de gestion des finances personnelles comportant de nombreux services d’aides au budget, contrôle de la carte bancaire, authentification simplifiée, etc. Orange est pour l’heure entrée en France par la petite porte avec Orange Cash mais pourra déployer une marque pan-européenne, à l’instar de Number26 et d’Hello Bank, déjà présents sur plusieurs marchés européens.

Frédéric Bois

Chef de projet chez Sémaphore Conseil #innovation #veille

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