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La règlementation bancaire influence le mode de financement des entreprises

Par 12 novembre 2012Un commentaire7 minutes de lecture

L’imprudence des banques dans leur recherche de rentabilité a engendré des crises successives. La perte de confiance liée à la stratégie des banques a touché à la fois les investisseurs et les clients. Désormais, Bâle III s’impose aux banques pour réguler les excès et diminuer les prises de risques dans un système où tous les acteurs sont interdépendants.

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La solvabilité des banques est revue à la hausse, notamment à travers des exigences en fonds propres plus importantes. La liquidité doit être assurée pour faire face à l’assèchement du marché interbancaire ou compenser un retrait massif des dépôts par la clientèle. L’effet levier est encadré pour réduire l’endettement et la prise de risques des établissements financiers.

La règlementation Bâloise s’accompagne de mesures gouvernementales propres à certains pays tels que les Etats-Unis ou le Royaume-Uni. Le Dodd Frank Act vise à limiter les activités risquées des banques de dépôt et le rapport Vickers s’oriente vers la filialisation des activités de la banque de dépôt. Le cumul de ces règlementations est une contrainte financière pour le secteur bancaire.

Pour s’adapter à ces règlementations, les banques doivent rééquilibrer leur bilan. Au passif, les l’établissements financiers recherchent des ressources à maturité plus longues et plus couteuse. A l’actif, les banques opèrent des cessions d’actifs, notamment par la vente de portefeuilles de titres ou par l’abandon d’activités couteuses en fonds propres. Le capital investissement, l’immobilier, le financement de bateaux ou d’avions sont les activités les plus touchées par la stratégie des banques.

Il est également observé un désintéressement des banques pour le financement bancaire des entreprises. En effet, les banques ont tout intérêt à réduire le volume du crédit aux entreprises pour respecter les ratios prudentiels. Cependant, on constate que les banques conservent une hausse du volume de crédit, même pendant la crise. Mais cette hausse est à modérer car la croissance du volume de crédit est en baisse et la part du financement bancaire sur le total bilan des banques est également en baisse.

Une réduction des crédits peut être alimentée par plusieurs phénomènes : l’exigence plus importante des banques envers leurs contreparties, la santé financière des entreprises en baisse, le coût du financement bancaire et la demande de crédit.

Les banques disposent de nombreux outils pour sécuriser les encours accordés. Le banquier peut utiliser une palette de covenants et de garanties pour sécuriser son financement. Par ailleurs on peut comprendre la réticence des banques à prêter de l’argent car le nombre de défaillances d’entreprises est très élevé. Le coût du financement bancaire reste très bas malgré la hausse des besoins des banques en ressources longues et plus couteuses. Le maintien des conditions de crédit à ce niveau est en partie lié à la baisse des taux directeurs des banques centrales, mais aussi car les banques ont trouvé d’autres sources de revenus. Enfin, il faut avouer que si les crédits diminuent, cela vient également d’une demande de crédit moins importante de la part des entreprises. Le climat économique n’étant pas propice aux affaires, les dirigeants préfèrent repousser leurs projets d’investissements en attendant des jours meilleurs.

→ Dans ce contexte les entreprises prennent leur indépendance vis-à-vis du banquier, notamment en puisant dans leur trésorerie ou en se finançant avec d’autres acteurs non bancaires.

Alors que les banques deviennent frileuses pour accompagner les entreprises, plusieurs acteurs se développent et proposent des solutions alternatives :

  • Le financement obligataire permet aux grandes entreprises de faire appel à l’épargne publique mais ce type de financement à besoin d’innovation commerciale pour attirer les épargnants. En effet, il est peu flexible et peu accessible pour les PME.
  • Le financement obligataire mutualisé est donc une solution plus accessible aux PME. L’addition de plusieurs petits financements obligataires permet de rentrer dans les critères d’allocations d’actifs des investisseurs.
  • Le capital investissement est une solution de qualité pour renforcer les fonds propres des entreprises et conseiller les dirigeants sur une longue durée.
  • Les sociétés de gestion proposent des méthodes de financements très variées avec des conditions adaptables pour de nombreuses entreprises. Les sociétés de gestion parviennent à trouver des investisseurs partout dans le monde quel que soit le secteur d’activité de l’entreprise. La maturité des investissements va jusqu’à 10 ou 15 ans. Ce sont des durées bien supérieures à celles accordées en Europe, notamment pour des entreprises faiblement notées. De ce fait, le coût de financement est important.
  • L’introduction en bourse est une solution qui permet de trouver de nouveaux investisseurs. Le marché libre et l’alternext offrent des solutions pour les ETI mais le coût d’introduction reste important pour les PME. Des acteurs proposent alors des bourses Low Cost comme Alternativa, le coût est moindre, encore faut-il que l’entreprise accepte de rendre public ses décisions stratégiques.
  • Les compagnies d’assurance participent aussi à la désintermédiation du financement des entreprises, en revanche leur statut ne leur permet pas d’accorder des crédits. Ainsi, les assureurs s’engagent progressivement aux côtés des banques en nouant des partenariats.
  • Des solutions de prêts participatifs font également leur apparition en apportant des quasi fonds propres aux PME, un choix de financement encore peu reconnu.
  • Enfin, les fonds souverains s’invitent de plus en plus en Europe, par contre ils ne communiquent pas sur leur stratégie.

L’éventail de solutions de financement permet aux entreprises de diversifier leurs ressources financières. La part du financement bancaire est en baisse au passif des entreprises depuis plusieurs années, au profit des obligations et des autres dettes.

Dans ce contexte de règlementation bancaire de plus en plus contraignant, les banques devraient adapter leur bilan en réduisant le volume de crédit. Le financement des entreprises françaises non-cotées s’oriente désormais vers d’autres sources de financement pour s’endetter.

Cette réflexion permet de constater la désintermédiation du financement des entreprises. Il serait intéressant d’analyser plus précisément le cas des PME dont les solutions alternatives ne leur sont pas toutes adaptées. Ce travail nous conduirait vers des considérations plus politiques et fiscales. Pour enrichir la problématique, il serait judicieux de développer la gestion des risques liés à cette désintermédiation. En effet, on peut penser que la mutualisation des risques renforce l’aspect systémique du secteur bancaire et l’étend même aux acteurs non bancaires.

David Audran

Responsable du blog CultureBanque. Expérience professionnelle en banque de détail, finance d'entreprise et analyse financière.

Un commentaire

  • BAKARY Shihab dit :

    Il faut également noter les perspectives d’une forte imbrication entre les acteurs du « shadow banking » avec ceux du système bancaire traditionnel, la question de la traçabilité et du transfert des risques liés aux crédits originés puis cédés via le modèle Originate to Distribute. Autant de paramètres qui peuvent amener à se poser la question de la pertinence des mesures introduites dans la prévention d’une prochaine crise.

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