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Le crowdfunding et la banque

Par 10 juin 2014Aucun commentaire6 minutes de lecture
financement par la foule

Le cadre législatif étant maintenant connu, les plateformes de financement par la foule (crowdfunding) vont dans les prochains mois se multiplier en France. Leur succès sera sans doute au rendez-vous si on en croit Forbes qui relève qu’en 2013 le crowdfunding représentait dans le monde plus de 5 milliards de dollars. Il est donc important que les banques anticipent le positionnement de ces nouveaux acteurs dans le marché et regardent en quoi ils interpellent leur propre métier.

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De quoi parle-t-on ?

Toutes les plateformes ont un point commun. Elles s’adressent aux demandeurs de capitaux d’un côté, aux épargnants et investisseurs de l’autre, pour les mettre en relation, utilisant pour cela la puissance du web et des réseaux sociaux. Elles permettent ainsi le financement plus ou moins direct des premiers par les seconds. C’est le « love money » étendu par la puissance d’Internet. Certaines plateformes sont consacrées aux dons, d’autres au crédit, d’autres encore aux fonds propres. Nous nous intéressons ici aux deux dernières catégories qui, d’une façon ou d’une autre, entrent sur un marché jusqu’alors réservé aux banques.

Quelles sont leurs activités ?

Les plateformes de prêts (peer-to-peer lending) proposent à des épargnants de financer des crédits. Il peut s’agir de prêts de consommation, de prêts immobiliers ou de prêts aux entreprises.

  • Dans la forme la plus pure, le prêteur prend directement son risque sur la contrepartie. Il attend ainsi un taux de rémunération significativement plus élevé que l’épargne bancaire, à condition bien sûr que l’emprunteur le rembourse, car si la plateforme assure la mise en relation, elle ne garantit pas le capital prêté. Ce placement est donc à haut risque et réservé par nature à des personnes averties qui devront se baser sur les informations communiquées en ligne pour apprécier la qualité de l’emprunteur.
  • Dans une forme plus sécurisée, la plateforme constitue des paniers de crédit, et les épargnants participent au financement d’un panier. Le risque est alors mutualisé entre tous les souscripteurs. Le taux de rémunération de l’épargne est par conséquent moins attractif, mais le risque est également plus faible. Comme la plateforme ne supporte pas de coûts de réseau, de gestion, ni de fonds propres, ce mécanisme permet des conditions de taux plus intéressantes que celles des banques tant pour l’emprunteur que pour l’épargnant. Il n’efface toutefois pas totalement le risque pour le prêteur.
  • Une troisième catégorie enfin propose du crowdfunding adossé à une banque. La plateforme rassemble les demandes et les offres, et les opérations de crédit comme de placement sont effectuées par une banque partenaire. L’épargnant peut alors décider de la destination de son argent en bénéficiant de toute la sécurité qu’apporte la banque, sans bénéficier de conditions de taux très différentes.

Les plateformes d’investissement (equity based crowdfunding) proposent à des investisseurs de prendre des parts de capital dans des entreprises. Comme toujours dans cette activité, le risque est important. Il faut noter que les banques, si elles investissent elles-mêmes dans les entreprises, proposent assez peu aux clients ces investissements directs. On voit tout de suite l’intérêt de cette mise en relation qui permet à l’investisseur de « faire son marché », de choisir les entreprises et de se constituer un portefeuille plus ou moins diversifié. Tous les professionnels de cette prise de risque, qu’il s’agisse des banques, des sociétés d’investissement ou des business angels savent toutefois qu’elle nécessite une approche minutieuse et documentée de l’entreprise. Ces services devraient donc être réservés aux initiés, capables à la fois d’une appréciation au cas par cas et d’une gestion équilibrée de leur portefeuille.

Qu’en pense le banquier ?

D’abord, le crowdfunding apporte un bol d’air dans la finance. Il met au grand jour des mécanismes simples qui échappaient au public du fait de la complexité des banques et de leurs carences en pédagogie. Là, on comprend bien ce que veut dire prêter, emprunter, prendre du risque, décider. Le circuit devient court et lisible. On peut donc attendre de ces plateformes qu’elles contribuent à ce que les gens comprennent mieux les circuits financiers et le métier de banquier.

Pour autant, sauf dans sa forme sécurisée, le financement par plateforme présente trop de risque pour ne pas être réservé à un public averti. Il serait difficilement compréhensible que les nombreuses exigences de connaissance client, de MIF, d’avertissements divers sur les risques qui sont exigées des banques ne soient pas de la même hauteur pour ces plateformes. Ces dispositifs prudentiels n’ont pas été pensés en effet pour protéger la banque, mais le citoyen.

La plupart de ces plateformes soulignent qu’elles offrent une alternative innovante à la banque. On les comprend. Capitaliser sur l’image altérée des banquiers et une façon de dire « nous sommes leur contraire ». Cela reste très discutable. D’abord, le métier n’est pas le même, en tout cas, pas aussi complet ni sécurisant. Ensuite, les acteurs du crowdfunding ne sont jamais très loin de la banque classique, soit parce qu’ils font appel à ses services, soit parce qu’elle est à leur capital, soit parce qu’ils en sont eux-mêmes issus. Les plateformes gagneraient à mettre plutôt en avant leurs spécificités propres.

Reste la réponse aux attentes de transparence, de sens, que ces plateformes apportent et sur lesquelles les banquiers devraient travailler. L’intérêt pour le crowdfunding repose pour beaucoup sur cette lisibilité quant à la destination de l’épargne, exercice auquel les banques peuvent parfaitement se soumettre. Ce devrait être, je crois, leur première réaction. Leur utilité et leur rôle dans le financement de l’économie n’en seraient que mieux reconnus.

Jean PHILIPPE

Je crois à la banque utile, coopérative, et innovante…

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