Le risque de crédit est le principal risque -avec la liquidité- mis en exergue lorsqu’une crise financière, sanitaire ou économique survient sur un territoire. L’économie financière puis réelle est directement impactée et génère une exposition supplémentaire en risque avec laquelle les dirigeants de banque doivent faire face. Son coût comptable et prudentiel est alors sujet à forte variation. L’importance de bien comprendre son utilité, sa composition et sa finalité est primordiale pour les acteurs financiers. La crise COVID-19 que nous vivons a remis ce sujet encore plus au cœur des préoccupations des décideurs.
Accompagnement des banques et approche du risque
Les principales mesures d’accompagnement proposées par le Gouvernement et appliquées par l’essentiel des établissements financiers français ont été les suivantes :
- Promotion de la Médiation du crédit auprès des entreprises comme « courtier » sur les dossiers de restructuration PME, ETI et Retail pro,
- Intervention de BPI France pour participer jusqu’à 90% en garantie sur les nouveaux octrois,
- Prorogation de 6 mois sur les concours amortissables consentis à tous les clients exerçant une activité fortement impactée par le COVID-19 et report de l’échéance de ces concours et des intérêts induits par cette prorogation. Ce report d’échéances de prêt aux entreprises a induit un état de restructuration des crédits pour ces clients éligibles aux mesures, qui, en langage Risque, se dénomme la « forbearance ».
Qu’est-ce que la « Forbearance » ?
Il s’agit de la conjugaison de 2 états :
- une concession sur un contrat de crédit (refinancement, prorogation, avenant),
- une difficulté financière du client au moment de la concession, c’est-à-dire :
- un impayé de plus de 30 jours dans les 3 mois qui précèdent la concession,
- ou un dépassement d’autorisation de plus de 60 jours dans les 3 mois qui précèdent la concession,
- ou une note sensible ou de défaut du client dans le mois qui précède cette concession.
A ce jour, la forbearance « saine ou performing » ne déclasse pas, à elle seule, le client en douteux. Nous somme encore sous l’ancienne ère de la définition du Défaut. Ce défaut, justement, va être revisité pour être harmonisé au niveau européen, en restreignant les règles de risque pour les établissements assujettis.
Pourquoi une telle appréhension sur le déploiement de ce Nouveau Défaut (NDoD) ?
Le défaut sera harmonisé entre les reportings prudentiels (FINREP/COREP) et la filière comptable (IFRS). Il contraint tous les concours bancaires – significatifs et en arriéré > 90 jours sans exception à basculer en défaut.
Ces nouvelles règles de déclassement adressent essentiellement le même périmètre que les clients ciblés par les mesures COVID-19 sur le marché des Entreprises.
Par exemple, lorsque le moteur centralisé de ce nouveau défaut sera installé et en fonctionnement chez BPCE SA, une contagion du défaut corporate entre établissement du groupe partageant le risque client sera opérée. Une restructuration « Covid-19 » sur quelconque contrat de crédit induira de facto l’état de forbearance non performing, ce qui augmentera les créances douteuses et de facto le coût du risque.
Néanmoins, l’approche prospective retenue par quelques Groupes bancaires permettra de limiter l’incidence financière sur ce nouveau stock de restructuration Covid-19 : seuls les évènements de risque post bascule emprunteront le nouveau langage durcissant.
Ce mode prospectif lissera les variations en RWA (Risk Weight Asset, l’encours de risques crédit pondérés servant au calcul du Ratio de Solvabilité de la Banque) et en coût du risque sur plusieurs trimestres et permettra une entrée en douceur de NDoD.
L’application du Nouveau défaut sur les modèles de notation aura lieu, quant à elle, en 2021.
Les crédits de restructuration « Covid-19 » post bascule NDoD généreront systématiquement le transfert des encours en DTX. Lorsque l’on sait que le taux de provisions moyen sur cette population d’encours avoisine 25%, nous pouvons imaginer l’impact en P&L (Compte de résultat) des banques sur les prochains exercices.
Et pour le département contentieux des banques ?
Le défaut au sens réglementaire intègre les notes client RX (ayant un contrat en Forbearance), DX et CX (douteux non compromis). Le passage d’un dossier Entreprise au contentieux est régit par deux préalables :
- un évènement de risque « douteux compromis » tel que les procédures collectives et la déchéance du terme à dire d’expert,
- le positionnement de la surveillance CX par les opérateurs recouvrement des banques.
Ce passage au contentieux fait entrer la banque dans le processus de recouvrement, avec inventaire des créances et activation des garanties.
Notons que le nouveau défaut NDoD n’a pas d’impact direct sur les dossiers contentieux car les nouvelles règles visées sont celles du stock de défaut non compromis.