Traditionnellement, on considère que la propriété est composée de 3 attributs : usus (se servir de la chose), fructus (droit d’en percevoir les fruits), abusus (droit d’en disposer). Seulement voila, ces 3 attributs peuvent être démembrés, et, une première perçoit l’usus et le fructus (c’est l’usufruitier), et une seconde reçoit l’abusus (c’est le nu-propriétaire).
De nos jours, dans un contexte de pression fiscale accrue, les donations démembrées reviennent à la mode. Nous essayerons de voir dans cet article pour quelles raisons.
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Donation démembrée : Propos liminaires
L’article 578 du Code Civil pose une définition : « L’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance ».
De cette définition, donc, découle un partage des pouvoirs entre l’usufruitier et le nu-propriétaire.
A noter cependant qu’il manque un élément essentiel dans la définition de l’article 578 : son caractère nécessairement temporaire. Autant la propriété est perpétuelle autant l’usufruit est nécessairement temporaire. En quoi cela peut-il être gênant d’avoir un usufruit perpétuel ? Il est nécessaire d’éviter que la propriété perde son intérêt, or il n’y aurait aucun intérêt à être nu-propriétaire. Ainsi, dès qu’un droit n’a de caractère temporaire, il ne peut jamais être qualifié d’usufruit.
Aussi, l’usufruit est un droit réel car le bien confié à l’usufruitier va pouvoir être utilisé de manière directe. On ne passe par l’intermédiaire du propriétaire. En sus, l’usufruit présente incontestablement une autonomie vis-à-vis de la propriété. En effet, la jurisprudence a par exemple estimé que l’usufruitier puisse demander l’expulsion du nu-propriétaire de son immeuble par exemple.
Enfin, l’usufruit présente nécessairement un caractère aléatoire. La question de l’évaluation se pose alors directement, notamment pour des nécessités fiscales ou des questions de succession.
L’article 669 du Code Général des Impôts propose alors une méthode d’évaluation. Le législateur fiscal nous présente en effet un tableau (cf. infra) permettant d’évaluer la valeur de l’usufruit et de la nue-propriété en fonction de l’âge de l’usufruitier/nu-propriétaire. Le II du présent article affirme même une règle pour une donation d’usufruit à durée fixe.
Pourquoi un article de présentation sur l’usufruit !?
De nos jours, conséquence (notamment) de l’accentuation de la pression fiscale, réaliser une donation démembrée permet de réaliser de substantielles économies. Le démembrement a un intérêt car fiscalement il y en a un.
Prenons un exemple :
- Jean, âgé de 68 ans, est propriétaire d’une maison de 200 000 €. Il réalise une donation de la nue-propriété à son fils, Pierre. La valeur de la nue-propriété représente 60 % du prix total (cf. Code Général des Impôts), soit 120 000 €. Après application de l’abattement en ligne directe de 100 000 € (il s’agit de la première donation que Jean consent à son fils), les droits de donation sont calculés sur 20 000 €, et s’élèvent à 2 194 €.
- Sans cette donation, Pierre aurait reçu la maison au décès de son père et aurait dû acquitter les droits de succession sur sa valeur en pleine propriété. Compte tenu de l’abattement de 100 000 €, ils auraient été calculés sur 100 000 €, pour s’élever à 18 194 €. La donation de la nue-propriété a donc permis d’économiser 16 000 € d’impôt.
Toujours au rang des avantages fiscaux, prenons le cas d’un contribuable soumis à l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF). Si ce dernier réalise une donation de l’usufruit d’un bien immobilier par exemple, celui-ci sort de son patrimoine ISF, réduisant ainsi directement sa facture fiscale (à condition bien sûr de donner à une personne qui ne « dépend » pas du même foyer fiscal ISF) puisque c’est l’usufruitier qui déclare le bien dans son patrimoine pour sa valeur en pleine propriété. Attention toutefois à ce que le donateur (celui qui donne) n’ait pas besoin des éventuels revenus du bien objet de la donation.
Bien sûr, réaliser une donation démembrée n’a pas qu’un intérêt fiscal.
Une telle donation permet par exemple d’aider un proche. Il est souvent pris comme illustration la situation d’une famille où un enfant décide de poursuivre ses études. Ainsi, les parents peuvent réaliser une donation d’usufruit (temporaire sur 10 ans ou définitive) d’un ou plusieurs appartements locatifs, permettant ainsi au donataire (en l’occurrence l’enfant) de percevoir les loyers. En réalisant cette donation, les protagonistes remplissent plusieurs objectifs : le donataire perçoit les loyers lui permettant de faire face à ses dépenses, et les parents préparent la transmission de leur patrimoine font même sortir les appartements de leur patrimoine ISF s’ils y sont soumis.
Enfin, notez qu’une donation avec réserve d’usufruit n’est taxée qu’une seule fois. Au décès du donateur, les héritiers n’ont pas de droits supplémentaires à payer du fait de la reconstitution de la pleine propriété du bien.
En somme, eu égard du contexte actuel de pression fiscale accrue, de morosité économique, et des avantages importants du démembrement, l’usufruit est un phénomène qui redevient à la mode.
Ne pas oublier qu’il faut toujours un aspect civil. La recherche de la seule optimisation fiscale est un abus de droit.