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Stratégie : L’avenir du crédit en banque de détail

Par 11 février 2016Un commentaire5 minutes de lecture

Le business model des banques de proximité doit évoluer pour éviter la chute libre de son revenu. Les ennemis du crédit ne sont-ils pas les sages pensants du comité de Bâle, dont les préconisations contraignent les établissements à réduire leurs expositions en risque de contrepartie.

 

Nous sommes en 2030, l’agence bancaire physique n’existe plus, les bornes « visio » installées au cœur du trafic piéton des communes ont remplacé les conseillers financiers. Commandez votre menu : conseil financier sur-mesure, information sur une personne, assurance transaction C to C** ? Vous souhaitez un service à emporter ?

La « fast bank » devient le mode de consommation ordinaire, à l’instar des « fast foods » apparus quelques décennies plus tôt. Vous pouvez acheter tous les produits du quotidien, des timbres aux enveloppes, jusqu’aux jeux de hasard. Les partenariats noués avec pléthore de prestataires divers et variés permettent à la banque de stabiliser son revenu, en générant des commissions récurrentes, tout en offrant à ses clients un large éventail de placements, mais réservé à la clientèle institutionnelle. Vous souhaitez un crédit ? Nous vous proposons un service « Cash C to C » de mise en relation avec nos clients « excédentaires de liquidité ». 

Le bilan bancaire du millésime 2030 a perdu 100 fois son poids depuis 15 ans. Les encours de prêts sont portés par les particuliers eux-mêmes ou par des organismes spécialisés de crédit tels que « le bon cash » ou « air Cash and See ». La banque ne sert plus qu’à proposer une offre de sécurisation des transactions financières entre agents économiques, en sus des services du quotidien cités supra.

 

Ce récit fictif est provocateur mais rappelle la problématique actuelle des banques en matière de business model. Les banques de détail doivent céder leurs activités les plus consommatrices en cash pour espérer perdurer à l’ère de la désintermédiation financière. Le modèle historique de transformation de maturité est remis en cause par l’écosystème.

Et si le modèle français de « banque universelle » était obsolète ? L’avènement du « tout digital », la pression réglementaire du régulateur et le niveau actuel des taux d’intérêt ne permettent plus à la banque de détail de générer suffisamment de PNB sur son activité de crédit pour satisfaire aux attentes de rentabilité du marché. Maintes fois évoquées, la réduction des bilans a entrainé la vente de portefeuilles de prêts, la stagnation des volumes d’emprunts et la sélection « biaisée** » à l’octroi de crédit par le banquier détaillant.

Le rôle de financeur de l’économie réelle est de facto remis en question par ces stratégies de gestion de bilan, au détriment des clients sans nul doute. Le prêt coûte cher aux banques, la rentabilité du portefeuille est quasi nulle, alors pourquoi continuer à offrir un service non rentable ? Le secteur bancaire, est par nature systémique, et hyper regardé de l’opinion publique. Le transfert des risques, des banques vers les investisseurs institutionnels (hedges funds, private equity, FinTech) couplé à la recrudescence des emprunts obligataires montre la tendance à l’externalisation du risque de crédit. La problématique des ratios comptables et prudentiels – liquidité, solvabilité, créances douteuses, coût du risque – est évacuée par le recours à la titrisation, celle dite STS***, qui permet la libération du bilan bancaire au profit de titres financiers « sains » vendus sur le marché. Les enjeux financiers, autant vis-à-vis du compte d’exploitation que du bilan des banques, obligent leurs dirigeants à orienter leur business vers la captation de liquidité à bas coût (collecte épargne) et vers la recherche de partenariats pour commercialiser des services connexes, peu coûteux en cash.

La spécialisation des établissements bancaires est inéluctable pour enrayer l’attrition de PNB du secteur bancaire. La banque dite « universelle » doit laisser la place à une banque « conseil » spécialisée sur un métier, dont l’expertise est reconnue. La banque de détail, si elle demeure comme structurée actuellement, s’essoufflera, et emportera les frustrations des agents économiques solliciteurs de prêts. Cette spécialisation du métier de banquier ne doit-elle pas transiter par une réduction du nombre d’acteurs sur la place bancaire française ?

L’avenir proche nous le dira…réponse en 2030 devant une borne « visio » de votre commune ?

 

* assurance lors d’échanges d’argent entre particuliers, sécurisant les transactions désintermédiées.

** orientation des encours de crédit vers les emprunteurs les moins consommateurs de fonds propres.

*** simple, transparente et standardisée 

Jean-Charles Delaunay

Responsable Métier Risques & Sécurité Financière. Groupe BPCE Filière IT. Enseignant vacataire universitaire Banque-Finance. Auteur articles sur la Gestion du risque de crédit.

Un commentaire

  • Chafik Y dit :

    Intéressant. Cependant Le crédit n’est pas la meilleur source de revenue pour les banque universelle mais il ne faut pas exclure la fidélisation client.

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