En conséquence, chaque victoire mal acquise est désormais en sursis, et même si la gloire et l’émotion ne se reprennent pas, cela fait tout de même réfléchir.
Dans la banque, et sans faire de parallèles trop alambiqués, nous sommes en train de vivre quelque chose de comparable, sachant qu’ici le gendarme se nomme Conformité !
La transformation digitale bat son plein dans tous les établissements, le passage au phygital est désormais acquis (Cf. lancement de Orange Bank et les ripostes associées), l’innovation est sur toutes les lèvres et pourtant, un petit quelque chose semble retenir l’ensemble de l’écosystème.
Peut-être est-ce la peur de franchir le seuil qui fera tomber tout l’édifice, de mettre dans les mains du client un service qui se révèlerait non conforme dans quelques mois. (quelques exemples : une signature électronique non valable dans quelques années, une simulation de taux sur la base d’une donnée considérée comme à caractère privé, un mauvais conseil délivré par un robot advisor, etc…).
Alors oui, les forces commerciales et marketing des banques pestent contre ces « conformitologues » qui ne sont là que pour bloquer les initiatives, les progrès, les évidences, et sont même souvent désignés comme les responsables des retards dans leur plan de transformation (l’attaque contre la défense en quelque sorte).
Mais plus globalement, au fil des réglementations mises en place (et elles sont nombreuses et coûteuses) et des stratégies commerciales déployées, les banquiers ont développé une aversion au risque. Et ce dernier point, parce qu’il est au cœur du métier de la banque, est beaucoup moins simple à admettre que la rupture technologique et comportementale que nous constatons.
Dans ce contexte, le saut dans l’inconnu que représente la transformation digitale prend une tout autre saveur. Ce n’est plus la défense des acquis qui retient les établissements financiers mais bien le stress de se retrouver en corner dans quelques temps (« l’accident » de la néobanque Morning a certainement servi d’avertissement (*)).
Toutefois, comme les banques sont composées en général de dirigeants et d’experts avec la tête bien faite, ils ont décidé de faire de cette menace une opportunité, voire un avantage compétitif, en relançant fortement le concept de tiers de confiance (**) (***).
Aux conseils bancaires habituels, les banques ajoutent maintenant cette notion de sécurité, dans toutes ses catégories (produits, informatique,…), pour transmettre au client cette même aversion du risque et donc la peur de quitter le cocon que constituent les banques institutionnelles. Le nouveau Règlement Général sur la Protection des Données [RGPD] va conforter ce point (le Gartner prédit même un CA > 20% entre les entreprises qui seront compliants et celle qui ne le seront pas).
Le problème de tout cela, c’est que cela risque d’être une victoire à la Pyrrhus :
- Les progrès technologiques sont imprévisibles et la sécurité acquise n’est jamais définitive
- La fidélité conquise sur ce modèle défensif n’est pas le plus certain
- Et surtout, si les banques ne prennent plus de risques, si les clients n’en prennent plus, comment demain le modèle économique tiendra !
Bref, il y a là encore un nouveau business model à inventer, pour continuer à prendre des risques tout en continuant à le couvrir telle que savent si bien le faire les institutions financières (pourquoi ne pas vendre demain une assurance sur un conseil financier plutôt que de se décharger de la responsabilité d’un mauvais conseil ?). Le digital et la conformité doivent se retrouver pour ouvrir de nouvelles perspectives.
Et c’est certainement là aussi que les startups et fintech, les ruptures et innovations technologiques (notamment la blockchain et l’IA) pourront aider à ouvrir les chakras.
(*)https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/actu/0211607660300-la-maif-se-dit-prete-a-venir-au-secours-de-la-fintech-morning-303636.php
(***) La conformité, socle de la confiance, Point Banque, septembre 2017